2008/05/26

Etoile 20 - Bustier rouge

C'est devenu un jeu, celui du chat et de la souris sans les poursuites. Le rendez-vous est fixé dans la boulangerie pâtisserie, c'est immuable : vers 16H08, il y a grand monde et donc une inévitable queue, le tout est de savoir ou nous trouverons dans celle-ci, à quelle distance l'un de l'autre, si nous nous croiserons avec les évitements intenses de corps lors de nos entrées et sorties sur ce pas de porte. Croisement de nos sens.
Nos regards nous ont déjà tout raconté, sans avoir au préalable, déformé amplifié et ajouté tout le pittoresque dont nous n'oserions même pas prononcer les mots à voix haute. Bien sûr, souvent il apparaît avec ses grandes lunettes noires, comme s'il pouvait se camoufler derrière, je sais qu'il en profite pour regarder sans être vu, mais je n'hésite pas à plonger mon regard dans ses broussailleux sourcils. On joue, à c'est moi le plus fort et le plus égocentrique et, c'est à toi de venir, pour l'instant nous savourons la distance, imaginant dans nos folles dérives des enlacements plus que sulfureux, des besoins inassouvissables, nous créons notre pièce montée.
Je ne sais pas quand il osera m'adresser la parole, autrement que par ses bonjours et petits mots lancés à la cantonade, qui s'adressent à tout un chacun. En vrai, je ne crois pas qu'il me parlera, jamais, de peur de casser cette harmonie, notre conversation ne serait que chuchotements et soupirs pour préserver cet imaginaire.

Nous nous donnons rendez-vous ainsi, sans mot dire, attendant le passage de l'autre, alors, on se dévisage sous le travers d'observer les gâteaux affichés dans la vitrine, hésitant réellement entre toute ses pâtes travaillées au corps, affichant de somptueuses couleurs et saveurs de la terre : orange, jaune, voire rouge passion, tout fait envie ici. C'est du consommable, plaisir immédiat, le tout est de savoir comment encore patienter pour mieux savourer le délice.
Difficile de s'ignorer devant pareil péché de gourmandise, on s'hume en espérant se grignoter, aujourd'hui j'étais à moins de deux minutes de lui, j'ai senti son souffle sur mon épaule, alors je ne me suis pas retournée, laissant le vent m'explorer et me dire sa chaleur, c'était un vent chaud, un peu capricieux comme le vent d'Autan, que l'on sait capable de s'enflammer en un rien de temps.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Délicieux...